Hommage au P. Michel Sales

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Publié le 3 mai 2016

 
Michel SalesLe P. Michel Sales, jésuite, enseignant durant de nombreuses années au Centre Sèvres, est décédé à Paris le 27 avril dernier dans sa 77e année et 53e année de vie religieuse.
 
 Le Père Michel Sales est né le 11 novembre 1939 à Lubersac en Corrèze dans une famille chrétienne. Après ses études secondaires essentiellement au Lycée Buffon à Paris, il s’engagera dans des études de lettres puis de philosophie à l’Université où il obtiendra sa licence. Il entre au noviciat de la Compagnie de Jésus, à St Martin d’Ablois, en 1963 peu après l’élection du Pape Paul VI, à une époque de grandes transformations pour l’Eglise. L’amour de l’Eglise, la réflexion sur son rôle et sa mission dans un monde en plein changement, seront toujours au cœur de la vie de Michel.
 
Après le noviciat, c’est le temps d’approfondissement dans les études : à Chantilly pour la philosophie, à Lyon-Fourvière pour la théologie. Il découvre notamment durant ces années la pensée de jésuites qui marquèrent leur siècle, Gaston Fessard et Henri de Lubac. Il deviendra ainsi un connaisseur privilégié de leur œuvre, comme en témoignent plusieurs de ses ouvrages. Il contribuera ainsi à la publication d’inédits du P. Fessard et, avec le P. Georges Chantraine, il assumera durant plusieurs années la direction scientifique de l’édition des œuvres du P. de Lubac sous le patronage de l’Association Internationale Cardinal Henri de Lubac. Son ouvrage, Le Corps de l’Eglise, rend compte de ce double héritage, et de celui du théologien Hans Urs von Balthasar. Il permet de saisir sa vision personnelle de l’Eglise, depuis ses enracinements en Israël jusqu’à son universalisme à travers les cultures.
 
Ordonné prêtre à Lyon le 27 juin 1970 par le Cardinal Daniélou, Michel va consacrer sa vie à l’apostolat intellectuel, la recherche, l’écriture, l’enseignement, l’accompagnement de tant de personnes dans leur itinéraire intellectuel et spirituel.
 
Enseignant, ici, aux facultés jésuites de Paris, comme professeur d’histoire de la philosophie moderne, puis, – en raison notamment de la grande confiance du cardinal Lustiger – au Studium du Séminaire de Paris, dès sa fondation, il a le désir de conduire la recherche de la vérité jusqu’aux sources de la foi. Nombreux sont les jésuites et les prêtres, particulièrement de Paris, qui aujourd’hui lui en sont particulièrement reconnaissants.
 
Dans les années 70, il est aumônier adjoint puis – après la mort de son fondateur le Père Daniélou – devient l’accompagnateur du Cercle Saint Jean Baptiste fondé et orienté, à travers la prière et l’adoration du Dieu trinitaire, vers l’approche croyante des religions et des cultures. A partir de 1977, un petit groupe d’étudiants se réunit autour de lui, d’abord dans les locaux du Centre Sèvres puis dans sa communauté de la Rue Blomet, communauté de formation à laquelle il a appartenu de nombreuses années. Il s’agissait principalement d’étudiants préparant l’École Normale Supérieure, désireux de donner à leur foi une intelligence proportionnée à celle de leurs études. Ces rencontres, sous forme d’un enseignement programmé ouvert au débat, créèrent un groupe d’amis, jeunes intellectuels chrétiens inspirés par les perspectives de Vatican II sur le rôle des laïcs. L’attention du Cercle aux valeurs des religions non-chrétiennes et à l’hospitalité envers ceux qui en vivent, converge avec les options de la revue Axes, à laquelle le Père Daniélou l’avait associé dès 1969. Elle se proposait notamment de fonder théologiquement le dialogue avec les religions non-chrétiennes, et le caractère universel de la mission. Engagé de nombreuses années à la revue Les Archives de philosophie, il sera également membre fondateur de l’édition française de la revue théologique internationale Communio.
 
Ses qualités intellectuelles d’hospitalité et de rigueur, de communion et de respect, de dialogue et de fermeté, de lucidité pacifiante et de solidité intellectuelle, de ténacité dans la recherche et l’écriture, de fidélité et d’écoute bienveillante, se sont épanouies dans de nombreuses relations d’amitié, partageant avec d’autres une même vision de l’homme et de Dieu en leur rapport mutuel. A cela s’ajoute ses qualités personnelles, sa grande modestie, sa finesse et son humour, mais surtout comme le dira le P. Général de la Compagnie à l’occasion de ses 50 ans de vie religieuse “le courage d’affronter au quotidien les limites que la santé impose, de composer avec celles-ci pour les vaincre sur leur propre terrain, quitte à gagner par sa vue déficiente la vive perception des attentes de l’autre et la lumière de la contemplation. »
 
Entouré par la généreuse sollicitude des petites sœurs des pauvres, par le soutien de ses compagnons, familles et amis, Michel, courageux, sans jamais se plaindre, s’est jusqu’au bout tourné vers la lumière de la vérité. Voici ce qu’il disait de son itinéraire – propos que l’on retrouve dans le recueil de Mélanges intitulé La Lettre de l’Esprit, qui lui fut offert il y a quelques années – : « Le travail intellectuel n’a jamais cessé d’alimenter, en cours de route, ma vie spirituelle. Mais si je l’ai mené à bien, c’est aussi avec le secret espoir qu’il pourrait permettre à d’autres de partager le pain de cette recherche inquiète qui met au cœur du croyant une joie que nul déjà ne peut lui ravir. »
 
Avec reconnaissance et actions de grâces pour tout ce que nous avons reçu de notre frère, compagnon, maître, et ami, nous croyons que le Seigneur l’accueille maintenant, dans cette joie qu’il a promise, au « serviteur bon et fidèle » (Mat. 25, 21).
 
Ses obsèques ont été célébrées en l’église Saint-Ignace, à Paris lundi 2 mai.
 
P. François Boëdec, sj.
Président du Centre Sèvres