Tribune : La nécessaire formation des chrétiens à l’écologie intégrale
SIGNATAIRES : François EUVE, sj ; Cécile RENOUARD, ra ; Eric CHARMETANT, sj ; Dominique COATANEA ; Valérie LE CHEVALIER ; Xavier de BENAZE, sj ; Frédéric-Marie LE MEHAUTE, ofm ; Anne- Cathy GRABER, ccn
Depuis 2019, la Conférence des Évêques de France a souhaité travailler sur la compréhension et la réception de l’encyclique Laudato si’ dans l’Église de France. Ce cycle de travail s’est achevé le 8 avril 2022 à Lourdes. Il aura été marqué par le contexte très perturbé des dernières années et mois tant sur le front social avec les Gilets Jaunes, que sur le plan géopolitique avec la guerre en Ukraine aux portes de l’Europe, que sur le plan mondial avec la pandémie de Covid-19 ou avec le diagnostic toujours plus précis et lourd du dernier rapport du Giec qui invite à changer maintenant. Il aura aussi été marqué par une méthode originale de tentative de synodalité, chaque évêque invitant des laïcs en mission ou investis sur les thématiques d’écologie intégrale. Ainsi se mêlent clameur de la terre, clameur des pauvres et germes d’espérance.
Et maintenant ? Et maintenant tout reste à faire en s’appuyant sur les dynamiques déjà existantes. Il y a des projets à lancer, par exemple la rénovation écologique des bâtiments d’Église ; des initiatives à déployer et soutenir tel le bel élan œcuménique autour du Label Église verte ; des façons de faire à réformer; des manières d’être au monde à convertir et à célébrer dans nos liturgies. C’est le grand chantier de la « conversion écologique » à poursuivre sept ans après la sortie de l’encyclique Laudato si’.
Sept ans déjà. Ou cinquante depuis le rapport Meadows sur Les limites de la croissance. Ou trente depuis le Sommet de la Terre à Rio. Ou vingt depuis le fameux « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » de Jacques Chirac à Johannesburg. 2002 qui fut aussi pour l’Eglise l’année de l’importante Déclaration de Venise sur « la conscience écologique chrétienne » de Jean-Paul II et du Patriarche Bartholomée.
Face à ce temps qui passe, une certaine urgence et une urgence certaine de l’action concrète se font sentir. Comment nos communautés et institutions ecclésiales s’inscrivent-elles dans les trajectoires de décarbonation rapides que nos sociétés ont décidé d’enclencher ? Comment nos modes de vies préservent-ils la biodiversité ? Comment vivons-nous notre vocation de jardinier et de prêtre de la Création ?
Si l’urgence est bien là et si la fin du cycle Laudato si’ de la CEF appelle maintenant le temps de l’action, il nous semble cependant important de souligner les besoins conséquents de formation des acteurs ecclésiaux et des chrétiens et chrétiennes sur tous ces sujets d’écologie intégrale. Ceci n’est pas particulier à l’Eglise, mais vrai dans toutes les institutions. Nous qui sommes plusieurs à collaborer au Campus de la Transition en sommes convaincus.
Il y a urgence à agir, c’est certain. Mais c’est précisément pour cela que nous avons besoin de nous former, pour bien discerner comment répondre aux appels de l’Esprit.
Quatre points clés d’une telle formation nous semblent particulièrement importants :
- Il est nécessaire d’avoir une approche en termes de données chiffrées et d’ordres de grandeur de l’ampleur des phénomènes physiques et écosystémiques sur ces enjeux écologiques et sociaux.
- Il faut déconstruire certains modes de pensée qui nous conduisent à nourrir des injustices structurelles, et concevoir la Transition pas seulement comme une question technique et économique, mais comme un réel changement de paradigme où l’art, l’éthique et la spiritualité ont toute leur place.
- Changer d’habitude et de modes de vie ne se fait pas tout seul, le changement doit être discerné et mis en œuvre personnellement et collectivement pour aller vers un futur désirable pour tous.
- Enfin, comme croyants, tout ce processus de conversion est une Bonne Nouvelle qui interroge notre foi et nous fait découvrir de nouveaux visages de Dieu.
Engagés au Centre Sèvres au service de la formation dans l’Eglise et portés par les préférences apostoliques universelles de la Compagnie de Jésus, nous sommes sûrs que nous pouvons tous ensemble relever ce défi d’une formation de fond qui permette d’agir à la hauteur des enjeux qui sont devant nous, en Église par amour de la Création. C’est ce que font déjà des réseaux comme le Mouvement Laudato si’ ou les temps de formation proposés par certains diocèses ou acteurs ecclésiaux. C’est ce que nous proposons depuis l’an dernier avec le cycle Croire & Comprendre Laudato si’, réalisable en un an et accessible en ligne, qui vise une réelle profondeur pour les chrétiens et chrétiennes soucieux d’écologie intégrale.
Ainsi formée et engagée, l’Eglise pourra, c’est notre souhait, répondre à sa vocation universelle, telle que décrite par le Pape dans Laudato si’ (214) :« Un effort de sensibilisation de la population incombe à la politique et aux diverses associations. À l’Église également. Toutes les communautés chrétiennes ont un rôle important à jouer dans cette éducation ».