L’humanité à l’épreuve du langage
Les étudiants des cursus canoniques et certains étudiants du cycle Croire et Comprendre commencent chaque année par une session interdisciplinaire. Cette session dure deux semaines, et elle voit se succéder des interventions en philosophie, théologie, exégèse, esthétique, etc. autour d’un thème. Cette année, ce sera : « ‘Nous ne pouvons pas ne pas parler’ (Ac 4.20), l’humanité à l’épreuve du langage ».
Une telle session est l’occasion pour les étudiants de se retrouver alors qu’au cours de l’année, chaque groupe suit son propre programme. Ils peuvent d’emblée faire communauté. Et ce temps ne se résume pas à écouter ensemble des conférences, il consiste également à travailler en petits groupes inter-promotions sur des textes en rapport avec le thème. Et cette année encore, un groupe d’étudiants volontaires préparera une disputatio pour le dernier jour de la session.
Ce temps est aussi l’occasion pour le corps enseignant de se retrouver : nombreux sont les professeurs en effet qui suivent la session, quand ils n’y participent pas pour la coordonner ou donner une conférence. Le travail interdisciplinaire est ainsi vécu non seulement entre étudiants, mais aussi avec les enseignants, ce qui en fait un événement unique de la communauté de formation des Facultés Loyola Paris. En retour, cette session donne une bonne idée de l’esprit dans lequel la formation y est dispensée, un esprit que d’aucuns diraient synodal.
Pourquoi avoir choisi le thème du langage pour cette année ? D’un point de vue biblique et théologique, son importance saute aux yeux : la Bible s’ouvre sur le premier chapitre du livre de la Genèse où Dieu crée le monde par la parole, et l’homme est créé capable de parler et d’échanger avec Lui. En théologie, les développements sur le Christ comme Parole de Dieu ne manquent pas, tout comme les questions sur notre capacité à dire Dieu et son mystère. Mais la philosophie n’est pas en reste : depuis près d’un siècle maintenant, la prise de conscience que tout ce que nous vivons et pensons l’est dans le langage, a fait de ce dernier une question centrale chez des auteurs aussi différents que Jacques Derrida et Paul Ricoeur, pour ne citer que des Français.
La question du langage s’enracine dans une tradition longue de la réflexion théologique et biblique tout en étant d’une brûlante actualité. Deux lieux sont particulièrement scrutés : la manière dont communiquent les animaux, et notre rapport aux machines. En effet, les développements liés à l’écologie nous conduisent à nous interroger sur les langages des différentes espèces d’animaux, de manière à mieux les comprendre et les respecter. Et du côté des machines, la révolution que nous sommes en train de vivre avec les derniers développements de l’intelligence artificielle générative, ne peuvent pas ne pas nous questionner : les commandes sont désormais adressées aux ordinateurs sous une forme qui n’est plus distinguable du langage humain le plus habituel, et les ordinateurs nous renvoient le résultat de leurs calculs de la même manière. Est-ce là parler ? Autant de questions dont les Facultés Loyola bruisseront les deux dernières semaines de septembre.
Guilhem CAUSSE
Directeur des études du 1er cycle