Thèse : « Les interactions entre l’humain et son univers chez Chrysostome. Résonance en écologie. » (compte rendu)

De Paul Claude Diokh
Article
Publié le 30 juin 2023

Le P. Paul-Claude Diokh a soutenu le 15 juin 2023 au Centre Sèvres sa thèse en études patristiques. Ayant comme point d’ancrage le thème de l’écologie chez Chrysostome, elle a reçu la mention « très bien », attribuée par un jury présidé par Mme Dominique Coatanea et composé du P. Michel Fédou, du P. Jacky Marsaux et du directeur de la thèse, le P. Pierre Molinié. Retour sur sa soutenance de thèse (d’après le compte rendu d’Alexandre ÉTAIX et de Juan Pablo ROMERO).

Titre de la thèse : « Les interactions entre l’humain et son univers chez Chrysostome. Résonance en écologie »

Sensibilisé aux défis éthiques que les problèmes écologiques imposent à la conscience de l’homme contemporain, Paul-Claude Diokh proposait de trouver chez le Père antiochien les éléments d’une réflexion sur les interactions entre l’homme et l’univers. La présentation du travail a été articulée selon sept points : l’analyse de la notion de Création (à partir de la Genèse) ; le traitement des critiques contemporaines envers l’anthropologie judéo-chrétienne où l’homme est « maître et dominateur de la nature » ; la destination anthropologique de l’univers (avec ses fonctions de subsistances et d’exemplarité) ; la dimension éthique du rapport à l’univers (et l’opposition chrysostomienne aux notions de possession et d’exploitation), auxquelles sont liées les idées de loi naturelle et de bien commun ; la vocation sacerdotale de l’être humain, intermédiaire entre l’univers matériel et Dieu immatériel ; enfin, les contours de la réconciliation éthique et spirituelle entre l’homme et son univers.

Le souci de Paul-Claude Diokh a été d’éviter deux écueils : l’approche contextualiste – enfermer les propos chrysostomiens dans son époque sans chercher leur actualité – et l’approche juxtaposante, c’est-à-dire une application de principes antiques sans discernement. Dans ce cas, un travail critique s’impose et constitue, selon le. P. Fédou, le devoir du théologien. À cet égard, l’exemple pris du tremblement de terre – présenté par Chrysostome comme un châtiment divin causé par le péché des hommes – trouve une « résonance » (cf. le titre de la thèse) dans l’actualité, au moment où les premiers mois de 2023 virent encore la région d’Antakya (Antioche) touchée par un violent et meurtrier séisme.

Les membres du jury ont apprécié l’initiative de croiser la pensée d’un père de l’’Église et un thème important dans les débats contemporains. De même, la qualité du chapitre consacré à l’éco-biographie de Chrysostome sur les conditions d’existence à Antioche, a été soulignée. Quelques remarques concernaient aussi la méthode. Ainsi l’usage trop systématique du concept d’« écologie chrétienne » est apparu anachronique. Dans une autre perspective, le recours à la méthode de « résonance » laissait attendre une importance donnée aux notions d’écoute et de relation (écoute du texte biblique, écoute des êtres vivants, écoute du discours de J. Chrysostome), tandis que la thèse a semblé mettre l’accent sur la défense et la mobilisation de ressources dans une visée apologétique. Enfin, il a été souligné qu’une critique plus accentuée de certaines justifications théologiques par Chrysostome des catastrophes naturelles (voir l’exemple du tremblement de terre) ferait encore avancer la réflexion actuelle sur ce thème.

De nombreuses autres pistes d’approfondissements ont été indiquées : les voies nouvelles pour exprimer dès aujourd’hui un nouvel adamisme (sur les contours d’une relation saine de l’homme moderne avec l’environnement) ; ou encore, l’occasion de renouveler la compréhension de la « domination » de l’homme sur l’univers prônée par la Genèse. Pour ce faire, une clé de lecture serait peut-être dans l’unité entre cosmologie et christologie. L’importance de la figure christique du « nouvel Adam » et du rapport renouvelé avec la nature de chacun de ses disciples (en particulier les moines au ive s.) serait alors le point de démarcation entre la théologie chrétienne et une lecture voisine de la Genèse, celle de la théologie juive.

Enfin, il a été noté le remarquable travail de collections d’extraits sur le thème de la Création chez Jean Chrysostome. Ces textes pourraient déjà, à eux seuls, constituer une belle anthologie. Puissent-ils être un jour publiés, ainsi que la thèse toute entière. Ainsi cette publication stimulerait la recherche sur un sujet d’une… brûlante actualité.