Espérer et résister
Le 18 décembre dernier, la bibliothèque des Facultés Loyola Paris a procédé à une vente de livres, un « désherbage » comme on dit. Et comme à chaque fois qu’une telle vente a lieu, on se presse autour des tables où, par regroupement thématique ou par domaine, les ouvrages sont placés. Terrible lieu de tentation pour ceux dont les étagères sont déjà pleines de livres – mais au moins peut-on se consoler en se disant que les dépenses effectuées serviront à racheter de nouveaux livres pour la bibliothèque des Facultés… la bonne conscience littéraire est sauve.
Sur une des tables j’ai trouvé Les hommes contre l’humain de Gabriel Marcel – un recueil d’articles réunis en 1951. Dans l’édition de 1991, l’ouvrage est préfacé par Paul Ricoeur sous le titre « D’une lucidité inquiète ». Il y met en perspective la position de Gabriel Marcel à l’égard « des tendances lourdes du siècle ». Et comment caractériser cette position du philosophe chrétien ? Pour Ricoeur il apparait que le chrétien « met ses motifs d’espérer au service des raisons de résister que le philosophe formule au plan de la réflexion seconde, et qu’il oppose aux incitations à désespérer que lui suggère sa seule lucidité ».
On ne peut lire une telle analyse ces jours-ci sans penser au thème de l’année jubilaire promulguée par le pape François pour l’année 2025 : « Pèlerins d’espérance », thème qui se donne à voir un peu partout autour de nous en ce début d’année – jusque dans le titre de la table ronde de notre Forum du 24 janvier : « Espérer dans un monde en crise ».
Il y a en tout cas dans cette manière de lier les motifs chrétiens d’espérer, les raisons philosophiques de résister, et les limites de la seule lucidité, une belle occasion de stimuler notre réflexion personnelle. Ces pèlerins d’espérance ont-ils abdiqué leur lucidité ? Leur mise en marche est-elle le fait d’une décision volontaire d’un « refus de désespérer » ? Et vers quoi avancent-t-il ?
Fort de cette récente expérience de lecture et des interrogations liées, je peux en tout cas formuler une résolution pour l’année qui s’ouvre (puisque c’est la période) : à la prochaine vente de la bibliothèque, j’achèterai deux fois plus de livres…
Bonne année à tous les amis des Facultés Loyola Paris, que cette espérance nourrisse nos initiatives, notre travail académique et nos engagements !
Louis LOURME
Recteur des Facultés Loyola Paris